Ainsi que le souligne Michel DESMURGET dans «la fabrique du crétin digital », nos enfants passent plus de temps devant les écrans qu’à l’école, et ce dès la maternelle. Il a par exemple été calculé qu’en un an les lycéens passent en moyenne l’équivalent de deux années et demie de temps scolaire (soit 2400 heures) devant leurs écrans. 

C’est l’un des chiffres cités par Christophe MOREAU, sociologue (http://www.jeudevi.org), invité à ouvrir par son intervention le colloque annuel de l’association Centre de Victimologie pour Mineurs (CVM) qui s’est tenu le 28 janvier 2020 à l’espace Reuilly à Paris et qui était dédié cette année aux « mineurs au cœur des cyberviolences ».

Le constat partagé est celui d’une surexposition des enfants à différents risques de violences directement liés à cet usage du numérique, notamment parce qu’ils échappent largement au regard d’adultes protecteurs et qu’ils n’ont pas toujours la conscience des répercussions « IRL » de leurs comportements. Ainsi, 40% des enfants déclarent avoir été victimes de « méchanceté ou agression en ligne ». Le cyberharcèlement (ou cyberbullying), qui concernait plus de 16% des enfants selon une étude de 2013, intervient souvent en continuation d’un harcèlement dans le cadre scolaire mais il prend alors une autre ampleur. Aurélie LATOURES, chargée d’étude à l’observatoire régional des violences faites aux femmes du centre Hubertine Auclert a exposé que les filles déclarent plus que les garçons avoir subi des violences en lien avec les outils numériques et que ces violences ont en outre une forte dimension sexiste.

Emmanuelle PEYRET, pédopsychiatre au CHU Robert Debré, a rappelé l’impact important et multiforme de cette forme de violence (anxiété, consommation de drogue ou d’alcool, troubles alimentaires, absentéisme scolaire…). Elle a insisté sur la difficulté des praticiens à repérer cette problématique si la question n’est pas posée aux adolescents lors des consultations puisqu’ils ont majoritairement du mal à se confier à un adulte et utilisent des stratégies d’évitement.

Véronique BECHU, capitaine de police et cheffe de groupe à l’Office Central pour la Répression des Violences aux Personnes (OCRVP), a pu témoigner de l’ampleur de la tache de son équipe qui a pour mission de lutter contre l’exploitation sexuelle des enfants en ligne, notamment la pédopornographie en ligne, le « grooming » (utilisation par un adulte d’un faux profil mettant en scène un autre adolescent pour entrer en contact avec un enfant) et la pratique du « live streaming » (pratique consistant pour un adulte à « commander » en ligne la réalisation et la diffusion en direct de sévices sexuels, sur un enfant, la plupart du temps situé en Asie du Sud Est ou en Europe de l’est).

Elle a défini les contours d’autres pratiques comme la « sextorsion », pratique consistant pour un adulte à entrer en contact avec un adolescent dont il va obtenir, sous une fausse identité, des photos et vidéos dénudées afin d’exercer sur lui un chantage pour obtenir des images toujours plus intrusives (potentiellement diffusées sur les réseaux pédopornographiques) ou le versement d’argent. Environ 45 000 situations de ce type sont signalées chaque année à ce titre, avec une explosion du « harponnage » de mineurs, parfois très jeunes, sur des sites de jeux en ligne.  

Loin de conforter l’assistance, parfois médusée, dans un sentiment d’impuissance, les intervenants ont tous insisté sur le rôle des adultes. Eduquer aux usages du numérique en fonction de l’âge des enfants, s’informer sur leurs pratiques, se montrer disponible et créer les conditions d’une discussion, constituent quelques pistes pour les professionnels comme pour les parents.

Ce colloque a d’ailleurs été l’occasion de recenser quelques sites ressources, en matière de prévention comme en cas de difficultés avérées.

Engagée notamment dans le champ de la prévention, l’association e-enfance propose des interventions auprès des publics scolaires, des professionnels ou des parents (https://www.e-enfance.org/intervention-jeunes).  En cas de difficulté, il existe aussi une plateforme d’écoute (netecoute 0800 200 000) et il est possible d’être guidé dans les procédures de signalement auprès des réseaux sociaux https://www.netecoute.fr/procedures-de-signalement-liste-supports/).

L’association respect-zone (https://www.respectzone.org/) propose des outils de communication et d’éducation. Elle propose en outre une démarche de labellisation.

Le site internet sans crainte propose des outils éducatifs ludique et accessibles par tranches d’âge de 7 à 17 ans (https://www.internetsanscrainte.fr/organiser-un-atelier/). Pour un public adolescent, Europol a mis en ligne un message de prévention contre l’extorsion en ligne particulièrement efficace ( https://youtu.be/5ttHYODhenY).

Me Dominique ATTIAS, vice-Présidente de la Fédération des barreaux d’Europe, a, pour sa part, rappelé l’importance que peut revêtir l’assistance d’un avocat pour un enfant victime de cyberviolences entrées dans le champ pénal.

La journée a enfin été ponctuée par l’intervention de M Adrien TAQUET, secrétaire d’Etat chargé de l’enfance auprès de la Ministre des solidarités et de la santé. Il y a notamment rappelé l’existence d’une proposition de loi contre la haine en ligne et d’un projet de durcissement des peines encourues concernant la consultation de sites pédopornographiques en ligne.