Depuis 2018, une évaluation médico-psychologique est prévue pour les mineurs revenant de zones d’opérations de groupements terroristes, dont la zone irako-syrienne (Instruction ministérielle du 23 juin 2018 et circulaire du 8 juin 2018). Cette évaluation débute dès l’arrivée des enfants sur le territoire français dans l’un des trois centres référents existants. Du fait de la présence de l’aéroport Charles-de-Gaulle dans le département de la Seine-Saint-Denis, le centre référent de Bobigny est actuellement le plus sollicité pour réaliser ces évaluations. Les évaluations durent entre 3 et 4 mois, à la suite desquels des recommandations sont faites concernant une prise en charge psycho-thérapeutique de plus long terme.

Parcours et histoire personnelle

La majorité des enfants reçus dans ce centre ont moins de 5 ans et sont arrivés en France avec au moins un de leurs parents. A l’inverse, la majorité des enfants pris en charge dans le centre de Versailles sont arrivés sans aucun parent. Environ un tiers des enfants suivis à Bobigny sont nés dans des zones contrôlées par des groupes terroristes. Un long processus d’établissement de la filiation se met donc en place pour ces enfants car ils ne disposent pas d’actes de naissances reconnus par l’Etat français. Dans certains départements, les juges ont décidé de leur attribuer un nouveau nom le temps d’établir leur filiation. De même, certains professionnels expriment la volonté de modifier le lieu de naissance de ces enfants ou leur nom, afin de les protéger d’une histoire qui serait trop lourde à porter. Cette volonté interroge sur la possibilité future pour ces enfants d’accéder à leur histoire personnelle.

Séparation avec la famille

L’effet traumatique sur ces enfants de la séparation avec leurs parents a été signalé par les professionnels les prenant en charge. Des mesures ont été prise afin d’améliorer la préparation à cette séparation. Désormais, lors de l’arrivée des familles en France 30 minutes leur sont accordées afin de se dire au revoir, un temps qui est pris sur le temps de garde-à-vue des parents. De nombreuses familles passent par des centres rétention en Turquie avant leur retour en France et sont encouragées durant cette période à préparer leurs enfants à la future séparation. Les mères allaitantes sont par exemple prévenues pour qu’elles puissent prévoir le sevrage de leur bébé.

Traumatismes et troubles psychologiques

Le parcours de chacun de ces enfants est particulier mais des points communs peuvent cependant être identifiés. Concernant les enfants nés en France, beaucoup n’étaient pas scolarisés avant le départ de leur famille vers des zones contrôlées par des groupes terroristes. Le plus souvent, ce départ n’a pas été préparé et a constitué un déracinement pour l’enfant. La durée de séjour sur zone est variable mais tous les enfants ont été exposés à des actes très violents (exécutions, tortures…) et à des bombardements. Nombreux sont ceux qui ont souffert de la faim, ont perdu un parent ou ont vécu des incarcérations successives lors de la fuite de leur famille.

Il est difficile pour ces enfants de parler de ce qu’ils ont vécus car ils ne veulent pas porter préjudice à leurs parents dans le cadre des procédures judiciaires engagées contre eux. Cela complique l’évaluation et le suivi psycho-somatiques de ces enfants car il est difficile de distinguer le trouble initial du trouble réactionnel. Ces enfants peuvent présenter des syndromes de stress post-traumatique, des troubles de l’attachement, des troubles anxieux ou dépressifs. Certains sont hyper-adaptés et ne manifesteront leur trauma que plus tard. Les psychologues préconisent donc un suivi psychologique de long terme. A la fin de la période d’évaluation, les enfants sont souvent orientés sur tout le territoire français, notamment quand ils sont pris en charge par la famille élargie, il est donc difficile de savoir si un suivi sera réellement mis en place. En effet, lorsque les enfants retrouvent leurs parents ou des membres de famille, la poursuite du soin nécessite l’adhésion de la famille.

Le regard porté sur ces enfants

Le contexte de menace terroriste omniprésent en France influence le regard porté sur ces enfants, qui peut aller de la fascination au rejet. Les institutions et professionnels qui les prennent en charge n’échappent pas à ce phénomène. Il est alors difficile pour eux de considérer le trauma de ces enfants sans prendre en compte le contexte dans lequel il a eu lieu. La médiatisation de plus en plus forte de ces enfants, notamment car certaines familles souhaitent médiatiser leur situation, exerce une pression supplémentaire sur les professionnels de la protection de l’enfance.